L’espace d’un jour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille Forgerit

Françoise et Georges Ract-Mugnerot

 

 

 

 

 

 

 

 

Journée type au quotidien de la vie de Françoise et Georges en 2004 théâtralisée et quelque peu fictionnelle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec

Françoise : 61 Ans

Georges : 73 Ans

Camille : 23 Ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 


Dehors, devant la maison de Françoise et Georges

 

 

Camille - Bonjour à tous,

Nous nous trouvons ici devant la maison de Françoise et Georges. Ils sont actuellement dans leur chambre dont la fenêtre donne à cet endroit même et sont plongés dans le sommeil.

 

 

La chambre avant de devenir chambre ressemble à peu près à ceci : une sorte de cube avec

 tout en dessinant au fur et à mesure le croquis de la chambre sur un grand tableau (voir page précédente)

 un mur, un angle, un mur, un angle, un mur, une porte, un mur, une ouverture donnant accès à une petite salle d’eau, c’est à dire une pièce dans laquelle il y a une douche et un lavabo, un mur, un angle, un mur, un angle, un mur, une fenêtre.

Quand ils ont décidé d’aménager cette pièce, elle était depuis longtemps revêtue de plâtre. Françoise a eu envie d’un papier peint qui la fasse rêver. Sur ces 2 pans de mur, dont l’un est face au lit, nous pouvons voir une petite fille modèle avec un chapeau au milieu d’un pré et en filigrane un château, tel celui de la belle aux bois dormant, deux images multipliées sur un fond vaporeux bleu ciel. Elles lui évoquent le doux idéal de l’enfance, l’innocence, le paradis perdu. Les autres pans de mur sont recouverts d’un papier peint uni bleu clair.

 

Quand nous entrons dans la chambre par la porte, sur le mur de droite est accrochée une petite toile sur laquelle a été peinte deux papillons qui butinent des fleurs. Ce tableau que Françoise aime beaucoup lui a été offert par un peintre allemand. Ce dernier était venu passer ses vacances dans le château de Reglois qui était dès lors transformé en gîte. C’était à l’époque où Françoise était factrice. Elle lui apportait tous les matins son journal qui venait d’Allemagne et en profitait pour admirer les tableaux qu’il peignait. Elle lui disait que sa peinture était magnifique. Lorsqu’il est parti, il lui a offert ces deux papillons qu’il avait peints pour elle.

 

 Dans l’angle du mur est posé une table de toilette recouverte de marbre et sur laquelle est déposée une collection de flacons de parfum miniatures. Au-dessus de la table de toilette est suspendue une glace ronde à l’ancienne avec des motifs incrustés sur le pourtour.

 

Ici, il y a la table de nuit de Georges sur laquelle est posée une lampe de chevet. Sur l’étage inférieur de la table de nuit de Georges, nous pouvons y trouver deux bouquins de mots croisés –bien trop faciles d’ailleurs selon lui- et un livre de politique concernant François Mitterand.

 

A côté de la table de nuit de Georges est le lit car que serait une chambre sans lit ?

Au-dessus de la tête de lit est accrochée une belle broderie au point de croix de dimension 25/30 qui représente une croix au milieu de laquelle a été brodé un calice. C’est Josiane qui l’a confectionnée pour Françoise et qui lui a offert par amitié. Josiane, une normande au teint opalin mariée à un morvandiot est une voisine allignoise de Françoise et Georges.

 

La table de nuit de Françoise se situe ici. Elle fait ainsi face à Françoise quand elle est assise sur son lit. Ce n’est d’ailleurs pas une table de nuit mais une ancienne coiffeuse. Cet espace constitue son coin oratoire, c’est à dire le lieu où elle prie. En dehors de la lampe de chevet, d’une petite boîte de médicaments pour dormir, d’une petite boîte de médicaments pour détendre les muscles, d’une bouteille d’eau, il y a une icône du Christ, une icône de la Sainte vierge, sa Bible, des revues religieuses et des chapelets accrochés au mur. Il y a aussi deux cadres avec les photos de leurs 4 enfants que Françoise a eus avant ses 25 ans ce qui lui a permis d’obtenir à l’époque une prime spéciale octroyée par l’Etat aux jeunes mères de famille. Un des cadres est posé par terre tandis-que l’autre est accroché au mur. Dans les trois tiroirs de l’ancienne coiffeuse, nous pouvons y trouver : dans le premier, un vieux porte-monnaie qui lui a été offert et des stylos, dans le deuxième, des images pieuses et un petit carnet sur lequel Françoise a écrit des pensées de philosophes et dans le troisième, ses vêtements intimes.

Dans cette chambre, il y a aussi une armoire qui fait face au lit et qui grince à chaque fois qu’on ouvre les portes ; à côté de cette armoire, il y a une chaise qui sert à déposer les vêtements du jour ou de la nuit, une petite table sur laquelle repose ou fonctionne une petite télé que Françoise aime regarder quand elle repasse, c’est pourquoi ici trône souvent une table à repasser. Enfin, sur le radiateur contre ce mur sont déposées toutes sortes de bibelots, des boîtes notamment dont le contenu restera secret, et au-dessus de ce radiateur sont accrochés trois chapeaux datant des années 1900 dont un que Françoise a porté l’année dernière lorsqu’ elle a interprété Madame Renard.

 

Il est maintenant 8h30, Françoise et Georges viennent de se lever. Nous allons les retrouver dans la cuisine où ils prennent le petit-déjeuner. Ils ont l’habitude de le prendre tous les 2 ensemble et le premier levé aura préparé le café.

 

 

Dans la cuisine, Françoise et Georges en robe de chambre  sont assis autour de la table ; ils  boivent une tasse de café au ralenti et se regardent en silence.

 

 

Il est 9h, Georges va dans son bureau faire quelques mots croisés, 

Georges sort

Françoise lit une revue,

Françoise prend la revue qui est posée sur la table, l’ouvre, tourne une page puis une deuxième et la repose)

range les affaires du petit déjeuner,

Françoise range toutes les affaires qui sont sur la table très vite

et sort pour donner à manger à Crotte et Crottine, les chats.

Françoise sort

9h30, il est l’heure de la toilette, retrouvons Georges dans la salle de bains pendant que Françoise ira dans la salle d’eau. 

Dans la salle de bains, Georges toujours en robe de chambre, se rase devant le lavabo en chantant

 

Georges - Joséphine, embrasse-moi, embrasse-moi, je n’aime que toi… 

On entend « La leçon de twist » -La boum rétro- qui vient du salon

 

Camille - 10h, Françoise se met au ménage et passe l’aspirateur dans toutes les pièces de la maison

Nous nous dirigeons vers le salon ; Françoise qui ne porte plus sa robe de chambre mais une blouse,  danse en époussetant tous les meubles et bibelots sur « La leçon de twist ». Le téléphone sonne. Françoise décroche et parle sans qu’on entende ce qu’elle raconte.

Françoise peut aussi passer du temps au téléphone avec ses copines ou Yolande, sa fille.

A la fin de « La leçon de twist », Françoise raccroche puis va dans la cuisine, Georges apparaît

 

Georges -  Qu’est-ce qu’il y a au menu aujourd’hui ?

Françoise en guise de réponse tend un tablier à Georges.

Camille -  A 11h30, Françoise prépare à manger mais en ce jour exceptionnel, Georges va nous révéler le secret de la fabrication du pain d’épice Ract. 

Georges - Un secret ne se révèle pas ! 

Françoise - Va chercher le miel !

Camille - Pour ce faire, Georges va chercher le miel à l’étage dans l’armoire secrète. Suivons-le.

Nous suivons Georges dans le couloir, Georges monte les escaliers.

 

Françoise - les escaliers pour lui, c’était, à chaque étage, un souvenir, une émotion, quelque chose de suranné et d’impalpable, quelque chose qui palpitait quelque part à la flamme vacillante de sa mémoire : un geste, un parfum, un bruit, une clameur, un cri, un brouhaha, un miaulement plaintif derrière une porte, des coups frappés contre des cloisons*, des airs de guitare que l’homme du dessous ne cessait de ressasser. 

 

Georges est descendu  avec un pot de miel qu’il pose sur la table de la cuisine. Nous sommes tous revenus dans la cuisine

 

Françoise - Voici la recette du pain d’épices

Georges - Il faut 500 gr de miel, 700 gr de farine, 250 gr de sucre en poudre, 3 œufs, 1 sachet de levure chimique, 15 cl d’huile, des épices

Françoise et Georges, devant nous préparent la pâte et nous expliquent au fur et à mesure la recette.

Françoise – On laisse ainsi la pâte reposer pendant 3 heures puis on enfourne le pain d’épices et au bout d’une ½ heure, il est prêt à déguster ; (Françoise et Georges sortent du four un pain d’épices qui a été préparé au préalable) nous vous proposons une dégustation tout à l’heure.

 

Camille - A 12h30, c’est l’heure du dîner et le repas dure ainsi

Françoise - ½ heure

Camille - puis le courrier qui est arrivé

Georges - est épluché

Camille - la table

Françoise – débarrassée

Camille - la vaisselle

Françoise - nettoyée

Camille - la cuisine

Françoise – rangée

Camille - le café

Françoise et Georges – bu

Camille - et Derrick

Georges - visionné.

 

Camille -A 14h, Françoise et Georges vont s’adonner à leur occupation favorite : l’apiculture. Georges est fasciné par les abeilles depuis qu’il est enfant. Il faut dire que c’est une passion qui se transmet, paraît-il, dans les gênes et son grand-père l’avait déjà dans les gênes. A sa retraite, il s’était mis à élever une quinzaine de ruches et Georges regardait avec curiosité son grand-père se mêler à ces sociétés d’abeilles.

A l’hiver, quand un rayon de soleil frappait une ruche, il arrivait qu’une abeille sorte pour se vider de ses excréments car les abeilles sont des insectes très propres ; elles préfèrent garder leurs excréments en elles pendant toute la durée de l’hivernage (c’est à dire 2 à 3 mois) plutôt que de se vider dans la ruche. Et lorsqu’une abeille sortait, elle était trompée par le soleil hivernal et saisie par le froid. Pour la sauver son grand-père la mettait sous sa casquette et tentait de la réchauffer. Cette anecdote témoigne d’une fascination pour cet insecte étonnant.

Nous allons maintenant les rejoindre dehors.

 

Nous sommes à l’entrée du champ et nous voyons Françoise et Georges s’occuper des ruches, un peu plus loin, avec leur costume d’apiculteur

 

Imaginez, dans chaque ruche, se développe une véritable société qui évolue dans la servitude la plus volontaire : environ 100 000 ouvrières et quelques centaines ou milliers de faux bourdons consacrent leur vie jusqu’à la mort à une Reine, monarque absolu qu’ils ont eux-mêmes élu.

Dès sa naissance, l’ouvrière, bien que physiologiquement immature, s’adonne au travail et se livre au nettoyage des cellules. Puis ses fonctions évolueront en fonction des changements particuliers de certains organes et elle deviendra tantôt nourricière, tantôt cirière pour finir butineuse, tâche à laquelle elle mourra d’épuisement. Infatigable, elle butine à remplir inlassablement son jabot de nectar parcourant une centaine de kilomètres par jour sans jamais dormir.

Le faux bourdon, physiologiquement mal accompli, n’est qu’un domestique. Il n’a raison d’exister que pour ventiler la ruche ou pour féconder la Reine. L’accouplement a lieu en plein air et en plein vol ; la situation étant délicate, la nature a pourvu le faux bourdon de ces 2 énormes yeux qui lui prennent la quasi-totalité de la tête et lui permettent de ne pas perdre la Reine de vue pendant le vol nuptial. Pendant la fécondation, le faux bourdon plante ses testicules dans la spermathèque de la Reine ce qui lui arrache le bas-ventre.

L’accouplement à terme, le faux bourdon chute et meurt. Pour clore sur le triste sort des faux bourdons, nous ajouterons qu’avant l’hiver, ils sont littéralement chassés de la ruche.

La Reine ne sortira qu’une fois hors les murs, pour se faire inséminer par le maximum de bourdons puis elle rentrera et pondra environ 2 à 3000 œufs par jour. Tandis qu’une ouvrière meurt épuisée par le travail une trentaine de jours après sa naissance, la Reine vivra de 3 à 5 ans. En effet, élue avant sa naissance, son œuf a été noyé dans la gelée royale que secrètent les abeilles nourricières ainsi la Reine pesant entre 0,16 et 0,21 gr pèse 2 fois plus qu’une ouvrière et c’est le privilège royal de la longévité.

Bref, cette société fabuleuse, vouée à la servitude est productrice d’un aliment exceptionnel, riche d’oligo-éléments et d’acides aminés : le miel qui permet entre-autres, la fabrication du pain d’épice.

Georges a transmis sa passion à Françoise et à Philippe devenu apiculteur professionnel. C’est à Marseille qu’ils ont commencé à avoir quelques ruches puis à la retraite, ils ont continué à en élever. Nous allons les interviewer sur leur activité. 

 

Camille appelle Françoise et Georges.

 

Camille - Françoise et Georges, bonjour. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, aujourd’hui, vous visitez les ruches ?  

Georges - Le beau temps est propice et nous permet de vérifier l’état général des ruches. 

Camille - Avez-vous eu beaucoup de pertes cet hiver ? 

Françoise - Oui, nous avons eu beaucoup de pertes cet hiver suite à des causes encore indéfinies. Nous pouvons supposer que cela est dû soit aux pesticides soit au climat peu favorable. 

Camille - Est-ce que vous pourriez nous montrer comment est aménagée une ruche ? 

Françoise - Il y a deux parties : le corps de ruche dans lequel se développe le couvain qui donnera naissance aux abeilles, et dans lequel elles accumulent leurs provisions qu’elles déposent dans ces alvéoles. Le surplus de nectar qui constitue la récolte de l’apiculteur est déposé dans la hausse qu’on pose au-dessus du corps de ruche.

Camille - A quoi sert cet objet ? 

Georges - C’est un enfumoir dans lequel on fait brûler des herbes sèches. La fumée qui s’en dégage met les abeilles non plus en position d’attaque mais de défense. Elles se gavent de miel et perdent leur agressivité. 

Camille - Quels sont les autres produits d’une ruche ? 

Françoise - En dehors donc du miel, elles produisent de la propolis, de la cire, de la gelée royale et entreposent du pollen. 

Camille - Est-ce que vous produisez plusieurs sortes de miel ? 

Georges - Non, ici, nous ne produisons que du miel toutes fleurs. 

Camille - Je vous remercie et bonne récolte. 

Françoise et Georges rentrent dans la maison

 

Au retour des ruches, vers 16h, Françoise et Georges rangent le matériel, se reposent, prennent une bonne douche, traînent et discutent avec le voisinage. Outre sa passion pour l’apiculture, Françoise aime à rejoindre ses amis à la chorale le lundi, au yoga le mardi et au cours de danses traditionnelles le mercredi.

Vers 18h30, Françoise prépare la soupe et à 19h30, il est à nouveau l’heure de manger, c’est l’heure du souper. Rejoignons-les donc dans la cuisine. 

 

Nous rentrons et nous rejoignons Françoise et Georges dans la cuisine. Georges est assis autour de la table et Françoise range les affaires sur la table. (Ils ont quitté leur vêtement d’apiculteur.)

 

Françoise - Ah, j’ai vu Marcel, il a planté ses pommes de terre. 

Georges - Faudrait qu’on pense à planter les nôtres.

Françoise - Et les poules de Jeannine sont encore venues gratter dans le jardin. 

Georges – Je me souviens des bonnes blagues qu’on faisait aux poules quand on était mômes. On perçait un grain de maïs avec une aiguille et du fil. On attachait à l’autre bout du fil un morceau de papier en forme de nœud papillon ; quand la poule picorait le grain de maïs, elle avalait le fil en même temps et le nœud de papillon restait

coincé en travers de son bec. Elles pouvaient plus gratter !

Françoise – rit- mais si au moins ces poules pondaient des œufs chez nous, on pourrait se faire des bons crapiots ! »

Georges – Et les farces qu’on faisait au père Charles. Il avait 5 poules, il leur avait donné un nom à chacune. Dans le poulailler, il avait accroché un tableau sur lequel il avait inscrit leur nom. A chaque fois qu’une poule pondait un œuf, il dessinait une barre en face de son nom et comptabilisait ainsi la quantité d’œufs pondus par chacune de ses poules. Alors, moi, de temps en temps, j’allais rajouter quelques barres, ce qui fait qu’à la fin du mois, il y avait environ 50 œufs pondus par poule ; et lui, il allait clamer à tout le voisinage qu’il avait de supers poules pondeuses ! 

Françoise – rit-

 

Camille -Françoise et Georges ont terminé leur soupe, ils débarrassent leur assiette puis sortent. A 20h, Françoise range, fait la vaisselle, puis va dans sa chambre lire, raccommoder, repasser ou regarder la petite télé ; Georges regarde la grande télé dans le salon. Vers 21h, 21h30, Françoise prépare la tisane qui est souvent infusée à partir de leur propre récolte de tilleul.

Le soir, Françoise se sent happée par la chambre dans un double sentiment de paix et d’angoisse, la douceur du repos, la peur du dernier sommeil.

A 22h Françoise et Georges se rejoignent dans leur lit. Avant de s’endormir, Françoise pense à sa journée du lendemain tandis que Georges s’endort en solutionnant quelques mots croisés.

Des lits et des chambres, ils en ont partagés bien d’autres et entre autres, un lit qui les fait sourire, c'est celui de la mère de Georges. Quand le père de Georges, le mari de la mère de Georges est mort, sa mère a continué de dormir dans le lit marital. Elle avait creusé au fil des années solitaires un grand trou dans le matelas, un matelas qu’elle avait confectionné elle-même avec de la laine du pays, le pays, c’est la Savoie. Lorsque Françoise et Georges allaient lui rendre visite, elle leur prêtait son lit et ainsi ils tombaient au milieu du lit dans un grand trou et se retrouvaient de surcroît serrés l’un tout contre l’autre.

 

Quant aux lits de fortune, il y a eu la nuit passée sur un parking de la Rochelle, les nuits de belle étoile sur la plage en Algérie ou sur le carrelage quand il faisait trop chaud et qu’on cherchait la fraîcheur.

 

La chambre qui a laissé les plus beaux souvenirs, c’est la chambre du port d’Alger.

On leur avait prêté comme logement de fonction, un logement tout neuf conçu pour les militaires de la marine. Ils logeaient ainsi dans une espèce de grand dortoir, un dortoir qui faisait office d’appartement, avec un cageot qui faisait office de table de nuit, avec une lampe de bureau qui faisait office de lampe de chevet, avec des armoires métalliques, avec deux petits lits en fer qui, rapprochés, faisaient office d’un grand. Les sanitaires collectifs à tous les dortoirs comprenaient au moins 4 waters et 6 douches, ce qui offrait un choix inhabituel à tout autre appartement. Ils se sont installés dans cette chambre insolite pendant quatre ans et demi, sans s’y installer, laissant les murs vides et conservant ces meubles de fortune ô combien fonctionnels. Et puis, ils n’éprouvaient pas la nécessité de posséder toutes ces conneries comme dit Georges : des buffets, des lampes de chevet, des verres à pied etc..

Cette chambre pouvait être moche et sordide, elle était la plus belle avec sa vue imprenable sur le port d’Alger partageant avec eux pour la première fois leur amour.

L’espace ressuscité de la chambre suffit à ranimer, à ramener, à raviver les souvenirs les plus fugaces, les plus anodins comme les plus essentiels.** 

Maintenant que le sommeil les tient au plus profond, nous allons les rejoindre dans leur chambre. 

 

Françoise et Georges allongés sur le lit en pyjama dorment, Françoise prend les trois quarts du lit

Nous pouvons remarquer que Françoise occupe bien au-delà de l’espace qui lui est soi-disant réservé, sur quoi, Georges se réveille et s’exclame :

Georges - Elle pèse trois fois moins que mon poids et prend les trois quarts du lit, il y a violation de frontière . 

Camille -Mais cette microguerre prend déjà fin car Georges se rendort et très vite se met à ronfler.

Georges ronfle

Françoise restée impassible quant à la soudaine révolte de Georges, est réveillée  alors par ce ronflement. Elle envoie un coup de coude à Georges pour le faire taire,

Françoise envoie un coup de coude

ce qui n’y change rien, hormis quelques râles de fond de gorge.

Râles de Georges

Au-delà de ces désagréments communs à bien des gens, Françoise et Georges continuent de partager leur lit, leur sommeil et leurs rêves.

Ronflements de Georges et coup de coude de Françoise

 

 

 

FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*dans La Vie, mode d’emploi de Georges Perec

**dans Espèces d’espace de Georges Perec