Sous quel ciseau, cette statue ? Qui tente de figer, glacer cette femme si charnelle, pleine de gestes, de regards, de bruits et de fureurs ? Madame R.. , bien sûr, qui poserait pour l'éternité, goûterait volontiers au parfum d'immortalité. Elle se verrait comme naissance d'un mythe : celui de la femme , chercheuse de vie , rabouilleuse d?émotions , éprise de mise en scène , de beauté du geste , d'art éphémère, l'oeuvre étant elle-même . La légère ironie de son expression , cette pointe de mélancolie, montre qu'elle n'y croit guère mais assez pour jouer et y croire en jouant . C'est vrai qu'elle a récuré, lavé , pioché, biné, repassé... sans étancher cette soif , ce désir de vivre plus fort, d'être ni sage, ni honnête , mais sainte ( s'il y avait eu Dieu...) Le jour venu , à 120 ans , elle demandera encore une dernière heure, puis une autre et encore une autre, et retiendra ainsi jusqu'à son dernier atome , la vie... ( pour s'en jouer bien entendu !) (François Blanchot) |