Démarche
A partir de 1998, nous avons tenté d'emprunter d'autres voies pour ce qui est du théâtre, sans pour autant remettre en cause cette idée d'un théâtre fortement ancré dans la Cité. A un moment où les systèmes-réseaux faisaient éclater les espaces, nous essayions d'imaginer d'autres façons, nous essayions de sortir d'un rapport salle/scène, comédiens/ spectateurs, nous voulions aggraver notre cas au point de proposer un théâtre débarrassé du spectaculaire, en somme un théâtre sans son H, un théâtre qui redescendrait de sa hauteur pour se fondre dans l'espace social, pour s'acoquiner avec le quotidien, pour aider son voisin à prendre la parole dans le flot des paroles, pour interpeler son élu.
Nous nous proposions de briser les murs ( le 4ème et tous les autres) et de faire entrer nos histoires dans l'espace de la Cité même pour la questionner de l'intérieur et ainsi tenter de redonner une certaine efficacité à l'acte théâtral sur le plan social et politique.
C'est ainsi que pour parler de l'exclusion nous avons inventé « Création pour une ouverture vraie » avec 12 personnes dans la galère, pour parler de la ruralité nous avons inventé « 32+32 » et marié 32 artistes à 32 petites communes rurales, pour parler de l'image de la vieillesse nous avons inventé « Les 80 ans de ma mère » avec un service d'artistes à domicile pour personnes âgées isolées, un laboratoire de recherches multimédia, pour parler des rapports nourriture et culture nous avons inventé « Je suis cultivé, je fais du potager » ainsi que « L'Assiette du lundi » et pour questionner les rapports connaissance et plaisir nous avons inventé « L'Université des Bistrots ».
Pour nous, ces expériences qui sortent du cadre conventionnel, relèvent bien du théâtre puisque, même si nous les bousculons fortement, nous respectons les fondamentaux du théâtre qui s'écrivent sous la forme : espace + jeu + temps.
La proposition « Et pourtant, elle tourne ! » se situe dans cette démarche.
Il s'agit bien dans un espace donné, dans un temps donné, d'inventer et jouer une histoire destinée à faire réfléchir sur la façon dont s'organise (ou se désorganise) les services à l'autre dans un environnement rural à un moment où disparaissent les services publiques, les commerçants itinérants, les médecins, et ou se dessinent des espaces qui se situent hors-jeu dans un contexte sociale et politique où domine la logique économique qui aggrave l'isolement et l'exclusion.
Nous essayerons de mettre en place une fiction collective en plusieurs volets, dont le titre générique sera «Et pourtant, elle tourne ! », avec des personnes volontaires résidant en milieu rural, des commerçants, des artistes, des intellectuels, de manière à mettre en exergue la nécessité d'imaginer d'autres façons de penser le service à l'autre et de souligner la spécificité des territoires ruraux.